Théothéâtre, 20 rue Théodore Deck, 75015 Paris
du 9 octobre au 18 décembre
01 45 54 00 16
Dans ce seul en scène dramatique, Fernand Prince, acteur et metteur en scène de la pièce, se propose comme porteur de la parole de Jacob et de ses confrères réduits en esclavage. Par la réinterprétation du texte de Jacques Bruyas
Moi Jacob, l’esclave d’Agbodrafo Wood Home, Fernand Prince nous plonge dans un monde onirique où le dernier survivant d’un village africain partage sa colère et sa quête de justice. Il confesse son histoire et l’erreur qui a fait basculer sa vie : celle de ne pas avoir été assez attentif et d’avoir permis à un clan rival de dénoncer son village aux colons britanniques. Unique rescapé du massacre perpétré par les esclavagistes, Jacob se présente comme représentant des siens et partage les atrocités que son peuple a subi lorsqu’il a été envoyé dans le commerce triangulaire.
La scène, d’une sobriété frappante, se réduit à quelques éléments symboliques : un tapis aux tons ocres en évocation des terres africaines, un bâton, ici attribut du conteur, et un livre brandit en fin de spectacle comme étant le Code Noir. Ce dernier, posé aux pied de Jacob devient un objet-scandale, à la fois preuve et instrument de l’oppression. Coté jardin, un grand drap blanc dissimule un tiers de la scène : derrière est installé un dispositif musical qui permet à l’artiste Mossy Amidi Fard d’accompagner les propos de l’acteur. Ses interventions, qu’elles soient musicales ou sonores, rythment la parole de Jacob. Au delà du travail musical, on retrouve un jeu de lumière important souvent tourné vers des couleurs chaudes et accompagnant Fernand Prince lors de certaines danses. Tout, dans cette pièce, est libérateur : la parole rend justice et permet aussi l’initiation à un jeune public des atrocités vécues par les peuples africains lors de la colonisation. La danse frénétique et saccadée, incarne tantôt l’expression de sa colère et tantôt un acte de libération. Elle s’apparente alors à un rituel : Jacob cherche par tout les moyens à porter sa mémoire et celle de ses confrères disparus. Renforcé par une adresse directe au public, ce n’est pas seulement le récit de Jacob qui se raconte mais aussi l’Histoire du colonialisme avec un grand H. Ce travail artistique n’est pas anodin pour Fernand Prince : la mémoire coloniale se doit d’être entretenue et expliquée au jeunes générations, sans quoi ces erreurs risqueraient de se répéter.
En dansant pour ses frères disparus, en parlant pour leurs voix étouffées, Jacob crée un lieu de justice symbolique. Mais jusqu’où l’art peut-il réparer l’Histoire ? La réponse réside peut être moins dans le jeu de Fernand Prince que dans l’écoute d’un public engagé.
Durée : 1h10
Une pièce de : Jacques Bruyas
Mise en scène de : Fernand Prince
Collaboration artistique : Bénédicte Rivière
Avec : Fernand Prince, Mossy Amidi Fard (musique)
Crédit photo : Yul Lemoing
Un article de Uma
Pierre Freudendal